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  1. #331
    "Sergev, tu as assez bu, si tu continues on va encore te retrouver à pisser sur une anomalie ou endormi en haut de la tour de garde.
    - Va te faire foutre, Loï, ça fait trois jours que j'étais paumé dans la Zone, à rêver de ce rade et d'une bouteille de vodka. J'étais coincé du côté de la gare d'échanges, au fond d'un wagon rouillé, avec des hordes de sangsues qui m'ont assiégé toutes les nuits, j'ai cru que j'entendrai jamais plus tes sermons. Tu vas finir par me faire regretter...
    - Des hordes de sangsues, hein ? T'as surtout déliré trois jours de suite à cuver ta dernière cuite quelque part sous un pont !
    - Ta mère suce des pseudodogs, Loï.
    - Tu vas voir espèce de...
    - Toujours aussi chaleureux ce bistrot !

    Tous se retournèrent vers celui qui avait prononcé ces quelques mots. Le vieil homme se tenait dans l'encadrement de la porte du bar. Seuls le barman et un habitué de longue date le reconnurent. Le barman se mit à frotter un verre avec un chiffon crasseux et l'habitué sembla se plonger dans la contemplation de son reste de tord-boyaux comme si c'était le premier qu'il eut jamais vu.

    S'avançant vers le comptoir, le vieil homme délesta son épaule de la besace, qu'il jeta alors sur le zinc, entre Loï et Sergev, dans un fracas de bouteilles renversées. De la besace roula la tête de Kuznetsov, commandant des forces spéciales d'intervention de la Zone, proprement sectionnée au raz de la mâchoire inférieure. La joue droite vînt se ficher sur un éclat de verre brisé qui arrêta sa course dans un silence de mort.

    - Si tu veux l'accrocher entre ton frigo dégueulasse et ta tête de sanglier empaillée, tu me donne un verre et une info", murmura le vieil homme en allumant une cigarette.

    ******************************************

    Le vieil homme se pressait vers le bâtiment abandonné en forçant sur ses rotules fatiguées et bouffées par l'arthrite. La vallée obscure grouillait de chiens et de tushkanos, mais ceux-ci ne s'intéressaient guère à sa carcasse croulante, seuls quelques jappements troublaient le sifflement monotone du vent.

    Selon les indications du barman, le petit avait pris la direction du laboratoire X18 deux jours auparavant et personne ne l'avait revu depuis. Tout en se hâtant, haletant et suant, le vieux sentait que quelque chose ne collait pas. Si le gamin avait décidé de retourner dans la Zone, c'était pour une raison bien précise. Ça n'était pas dans ses habitudes de faire des détours inutiles. S'il était parti vers le X18, c'était à coup sûr par nécessité, parce qu'il devait trouver dans les antiques souterrains puants du vieux centre d'expérimentations un moyen d'accéder au centre de la Zone.

    Les choses avaient changées ici. Avant, les Stalkers évitaient comme la peste ces couloirs habités de monstres difformes et ne s'y aventuraient qu'à la recherche d'artefacts rares et précieux (pour la plupart fantasmés) ou bien, en désespoir de cause, en quête d'un abri lors d'un blowout imprévu. Le vieux avait toujours su se débrouiller pour n'avoir jamais eu à y emmener le gosse. Il avait été... Attentionné. Le perroquet exultait, perché sur son épaule, y enfonçant plus profondément ses griffes empoisonnées :

    " Ouais, tu l'as pas non plus pendu à un arbre, tu ne lui a jamais proposé de jouer à la roulette russe. Tu l'as juste utilisé comme éclaireur pour satisfaire tes besoins de vieil ivrogne dégueulasse. T'as de sacrés principes tu sais, le vieux. Plein d'attentions, hein ?! C'est pas comme si tu avais laissé la Zone lui pourrir le sang et le sperme ! C'est pas comme si tu était responsable du petit monstre qui lui sert de fille ! Et de la décision qu'il a prise de revenir ici pour essayer d'arranger les choses ! Pour crever pour de bon en essayant de rejoindre le Monolithe !
    Tu te souviens, ducon ? "Tonton, y'a du sang dans ma pisse..." Tu te souviens ?!"


    Le vieil homme grimaça en poussant le portail de fer forgé qui fermait le vieux centre de recherches, posa son sac à terre, en sorti le SPAS-12 et une boîte de cartouches de douze, le "petit plus" que lui avait offert le Barman. Il entreprit d'enfoncer 8 cartouches dans le monstrueux engin avant d'engager la première en actionnant la pompe. Devant lui un bandit, étalé sur le dos dans son sang noir et depuis longtemps caillé, contemplait le ciel de ses yeux révulsés.

    "Vraiment, y'a un truc qui colle pas", murmura le vieux en pénétrant dans le laboratoire.

  2. #332
    J'adore la fin, ça fait son petit effet quand tu dis qu'il sort son Spas... Puis que tu parles du cadavre.
    Enfin, jsais pas m'expliquer.
    Je dirais juste "Vraiment très bon!"
    Citation Envoyé par lordsupra Voir le message
    Les backers sont plus cons que des turfistes en fait, vu que même quand ils parient sur le bon cheval, ils perdent.

  3. #333
    Citation Envoyé par Pluton Voir le message
    - Ta mère suce des pseudodogs, Loï.
    Ca c'est vraiment le genre de truc qui te balance du bonus immersion*100
    Citation Envoyé par O.Boulon Voir le message
    Chouette topic.
    C'est le genre de truc qui couronne des années de modération impitoyable et d'insultes lancées au hasard.

  4. #334
    Citation Envoyé par Pluton Voir le message
    " Ouais, tu l'as pas non plus pendu à un arbre, tu ne lui a jamais proposé de jouer à la roulette russe. Tu l'as juste utilisé comme éclaireur pour satisfaire tes besoins de vieil ivrogne dégueulasse. T'as de sacrés principes tu sais, le vieux. Plein d'attentions, hein ?! C'est pas comme si tu avais laissé la Zone lui pourrir le sang et le sperme ! C'est pas comme si tu était responsable du petit monstre qui lui sert de fille ! Et de la décision qu'il a prise de revenir ici pour essayer d'arranger les choses ! Pour crever pour de bon en essayant de rejoindre le Monolithe !
    Tu te souviens, ducon ? "Tonton, y'a du sang dans ma pisse..." Tu te souviens ?!"
    EPIC Win
    'Brexit' to be followed by Grexit. Departugal. Italeave. Fruckoff. Czechout. Oustria. Finish. Slovakout. Latervia. Byegium.

  5. #335
    Rhaaaaa lovely !!!
    La Bibliothèque idéale de l'imaginaire, c'est bon pour les noeils et l'esprit.

  6. #336
    Il m'ennuie ce sujet
    Je suis foutrement tenté de lire ton histoire Pluton, mais je n'ai jamais fini le jeu... De plus maintenant c'est bientôt la fin du X18, le dernier niveau que j'ai fini
    En tout cas je trouve qu'il y a quelques idées pas mal (pour ne pas dire plus, je m'en voudrai d'offusquer ta modestie ) qui mériteraient de se retrouver dans les PDA de Stalkers morts, ou dans les anecdotes du barman (j'espère que la légende de l'exauceur n'est pas la seule qu'il ait en réserve...)

  7. #337

    La Zone était d'une fertilité étonnante. Les quelques touffes d'herbe, qui perçaient ça et là le béton craquelé, et les arbres poussant à travers les bâtiments à l'abandon n'en étaient que les manifestations les plus visibles, non les plus singulières.
    C'est sous terre que la Zone laissait réellement libre cours à sa folie créatrice, prenant alors le relais des hommes avec un certain brio.
    Les premiers laboratoires biochimiques existaient depuis longtemps, avant même que naisse la Zone, mais ils avaient pris leur véritable essor dans la période de l'entre-deux incidents. Isolées du reste du monde par le confinement militaire, les radiations et d'épaisses portes coupe-feu, les équipes de chercheurs oublièrent rapidement les quelques considérations éthiques sensées encadrer leur travail et entreprirent de faire avancer la science et, à moyen terme, leurs carrières.

    L'État, rendu paranoïaque par les autres États tout aussi paranoïaques qui s'affairaient à le menacer, s'affairait à se doter d'une menace tout aussi conséquente, sinon plus. Après tout, les chiens bagarreurs ont pour habitude de courir en rond après leur propre queue. Les "responsables" avaient décidé d'injecter des sommes colossales dans ces installations et le mot d'ordre avait été lâché : "trouvez la pire saloperie possible qui puisse pousser tout ce qui vit à l'extérieur de nos frontières à se chier copieusement dessus."
    Les termes étaient bien entendu plus présentables : "Sécurité, défense, dissuasion, professionnalisme."
    En l'absence de tout comité, de tout média et de tout contrôle, les crânes d'œuf avaient retenu l'essentiel de la tâche : trouvez la pire saloperie possible.
    On fait des armes ou on n'en fait pas. Quand on en fait, il faut bien trouver de la viande humaine pour s'en servir.
    Et les cuves s'étaient brisées, et tant pis pour les carrières.
    Dans les souterrains pourrissants et fétides de la Zone rampaient des choses humaines, comme grouillent les insectes et la vermine sous la couche d'humus d'un sous-bois.

    Le vieil homme alluma sa lampe et regarda un instant les flocons de poussière en suspension dans le faisceau lumineux. Un silence absolu régnait dans le laboratoire. Une chaleur inexpliquée rendait l'air des souterrains encore plus pénible à respirer. La porte coupe-feu donnant sur l'escalier était ouverte et le digicode inutile mais intact émettait une faible lueur.
    "Il est bien venu", murmura le Stalker. Mais depuis combien de temps, pensa-t-il en s'avançant vers la flaque de lumière verdâtre.
    Son pied heurta quelque chose qui se mit à rouler avec un bruit métallique brisant le silence des lieux, se répercutant dans tout le complexe, rebondissant sur des murs trop habitués au silence. Merde ! Siffla le vieil homme dont la lampe révéla une cannette cabossée, qui avait autrefois contenu une boisson énergisante, en train de terminer sa course dans l'entrebâillement de la porte, laissant derrière elle une mince traînée rouge.
    Des profondeurs du laboratoire monta un hurlement de joie féroce qui s'éteignit dans un gargouillis répugnant.
    Le vieillard prit appui sur le coin de la porte, éteignit sa lampe, ferma les yeux et se concentra sur les vibrations de l'air. Comme le petit. Le petit sentait l'air pulser à quelques mètre des anomalies. Le petit... N'avait pas mérité cela. Sur la canette, un joggeur enthousiaste levait le pouce et clignait de l'œil. Dans les entrailles noires et puantes de la Zone, un sportif au survêtement maculé de sang riait et saluait le futur consommateur d'une boisson saturée de sucre et de caféine.

    Un autre vient. Il s'est trahi. Un autre Vertical, moins prudent. Moins jeune peut-être. Un autre. Faim. Non, plus d'araignées, plus de blattes. Du sang rouge. Les Horizontaux ont le sang plus rouge... Les Bürers eux ne mangent pas les Horizontaux. Ils me le laisseront... Mais les Bürers détruisent la chair et évaporent le sang rouge. Le premier est venu et ne s'est pas trahi. Il a tué tous les autres. Alors m'étais caché dans la cuve et fais le mort. Mais maintenant, plus d'araignées, plus de rats, plus de blattes. Alors il faut ramper, il faut bondir, il faut surprendre...

    Le Snork semblait flotter sur les marches de l'escalier, la souplesse de ses membres et ses articulations à angle-droit le portaient d'un mouvement chaotique mais efficace et silencieux. Aussi chaotiques, efficaces et silencieuses que les bribes de phrases que son cerveau dégénéré faisait danser entre les parois de son crâne.
    Dernière modification par Pluton ; 10/09/2009 à 18h57.

  8. #338

    Et les pensées du Snork tourbillonnaient toujours plus vite et toujours plus fort entre les parois de son crâne aplatit entre les deux épaules. Encore une volée de marches et il serait au premier niveau souterrain. L'odeur du Vertical était bien plus forte et la créature commençait déjà à saliver même si, confusément, la présence de l'extérieur commençait à se faire sentir. Les pensées du Snork, dans un maelström rouge et noir, se pressaient si fort que les yeux semblaient vouloir lui sortir de la tête et que ses tempes battaient douloureusement. L'odeur du Vertical emplissait désormais tout l'air et pourtant la peur y était absente. La surprise serait totale et les risques presque nuls. Un boîte ronde et métallique oscillait sur le dernier palier. Sur le côté de celle-ci, le Snork eu le temps de voir un Vertical coiffé d'une casquette de base-ball et dont les lèvres retroussées laissaient voir des dents immaculées et bien rangées. Une dernière pensée fusa - la boîte avait peut-être contenu de la viande de vertical avec des petits poids en gelée - et la tête du Snork explosa.

    La chevrotine, projetée dans un cône réduit par l'embouchure légèrement aplatie du Spas-12, pénétra du côté gauche du crâne et en ressortit par l'autre côté, chaque plomb emportant un fragment d'os, de chair ou de cervelle. Les pensées rouges et noires s'étalèrent sur le mur de la cage d'escalier avec un bruit mouillé. Le corps décapité du Snork se redressa sur ses membres inférieurs, les griffes en l'air, en une grotesque parodie de la stature humaine, le peu qui restait de sa face ballotant puis retombant sur son cou et sa poitrine, vague lambeau de peau auquel pendait un bout d'oreille jaunie, une paupière sans globe oculaire à recouvrir et l'embryon du tuyau nasal qui s'enfonçait directement dans les poumons de la bestiole.
    Mus par la gravité, les bras du Snork retombèrent de chaque côté du corps toujours en suspens, figeant l'espace d'une seconde la bête dans un garde-à-vous parfaitement vertical et règlementaire avant qu'il ne bascule en arrière et dégringole jusqu'au palier inférieur.

    Du rebord de la porte dépassait le canon fumant du Spas-12 que le vieil homme releva lentement en grimaçant. Le recul avait été tellement puissant et soudain qu'il avait cru sentir un instant ses nerfs fatigués se rompre, ses os se disloquer et ses articulations se déboîter. Mais le pire avait été le bruit. Comme un coup de tonnerre souterrain, la détonation se répétait sans fin dans les couloirs sombres du laboratoire. Le vieux cracha par terre là où s'était trouvé le Snork quelques secondes auparavant et commença à descendre les escaliers.

    Au premier sous-sol, rien ne bougeait. Dans les toilettes délabrées du fond et sur le carrelage, à l'écart, avaient été traînés des cadavres de Snorks qui se putréfiaient lentement à l'abri des rayons du soleil, n'attirant d'autres insectes que les cafards.
    Au milieu de la pièce principale étaient éparpillés des ossements humains, eux étaient soigneusement nettoyés, rongés. Trois hommes gisaient là, à en juger par les six bottes aux couleurs de l'armée. Un crâne rieur surmontait le tas d'ossements, un trou parfaitement circulaire découpé au dessus de l'orbite de droite.
    Le petit est bien passé par là... mais depuis combien de temps ?

    Il changea son arme de bras. Son épaule droite le lançait douloureusement et il n'y avait rien en vue. La seconde porte blindée était entrebâillée, comme la première. D'en bas montaient des bruits gazeux caractéristiques d'anomalies flamboyantes mais également un son étrange, sorte de râpement de tissu sur du béton. Le vieux jeta un coup d'œil aux cadavres de la pièce et franchit la porte coupe-feu. Se penchant par dessus la rambarde de l'escalier, il constata que le chuintement de tissu avait cessé.
    Prudemment, il descendit les marches et marqua un temps d'arrêt une fois en bas.

    Le deuxième sous-sol était constitué d'une première salle, au centre occupé par un pilier rectangulaire, et de quatre couloirs partant dans des directions opposées. Sur une des faces du pilier, un extincteur avait explosé, laissant une sorte de fleur rouge et acérée s'épanouir sur une large trace grise. Le sol était jonché de débris hétéroclites : fioles brisées, éclats épars de caisses, boîtes de conserves cabossées, un tableau noir fracturé... Le vieux eu même la surprise de découvrir un microscope littéralement fiché dans le liège d'un tableau d'annonces. Sur ce dernier était encore punaisé le polaroïd d'un jeune homme en blouse blanche posant devant le drapeau Ukrainien. Sous le microscope transformé en énorme fléchette, le visage du chercheur s'illuminait d'un sourire radieux, il tenait une éprouvette à bout de bras à l'aide d'une pincette.

    Probablement l'employé du mois.
    Dernière modification par Pluton ; 10/09/2009 à 18h57.

  9. #339
    Purée, foultitude de détails goreux et dégoulinants... ça aide à se refaire le jeu pour ceux qui comme moi ont des cartes graphiques à la ramasse.
    Sinon, bah comme d'hab, c'est toujours très bon.
    La Bibliothèque idéale de l'imaginaire, c'est bon pour les noeils et l'esprit.

  10. #340


    Au 100 Rad Bar, la discussion allait bon train. Les esprits, échauffés par le tord-boyau local et l'électricité dégagée dans l'air par le blowout qui avait eu lieu peu avant dans la nuit, échafaudaient des théories absurdes sur les mystérieuses arrivées successives des deux étrangers. Un des habitués prétendait avoir déjà vu le vieillard plusieurs années auparavant mais personne ne se souvenait avoir rencontré le plus jeune. Les deux étaient passés là simplement, l'un et l'autre obnubilés par leurs quêtes respectives. Le premier, comme la plupart des Stalker aimaient à le clamer à la ronde, visait le Monolithe, le deuxième homme voulait... rattraper le premier.
    Aucun des deux n'avait évoqué les motivations... ni évoqué grand chose d'autre d'ailleurs. Alors qu'ici une conversation sur deux commençait par les mots « Si je parviens un jour au Monolithe je ferai...» et finissait par une blague obscène ou un bruit de verre brisé, les inconnus n'avaient rien partagé avec les habitués du bar. Pas de rêve, pas de désir de vengeance, de richesses ou de pouvoir. Seulement quelques mots pour prendre la température et accélérer leur départ.
    Le plus loquace des deux, le plus jeune, était pourtant resté quelques jours dans l'arrière-salle du bar après avoir encaissé une décharge de chevrotine du côté des entrepôts de la base de la liberté, après sa visite au laboratoire X18 il y avait déjà... il y a...

    "COMBIEN DE TEMPS ?"

    Le vieil homme avait rugi. Couvert de sang de la tête aux pieds, il avait brusquement fait irruption dans la salle enfumée sans que personne ne le remarque. Ses étranges yeux au bleu passé s'étaient posés sur le barman, le fusillant, le transperçant de leur folie complète comme une lance fouille dans le cadavre d'un gibier.

    DEPUIS COMBIEN DE TEMPS ? vociféra-t-il de nouveau, projetant dans la lumière froide des néons une pluie de postillons rougeâtres qui vinrent tâcher le zinc et s'écraser sur le plancher vermoulu. Le garde fit mine de lever son arme, mais un violent coup de crosse l'envoya promener au pays des rêves. En un instant, la silhouette de cuir dégoulinant d'hémoglobine fit le tour du bar, attrapa le barman par le col crasseux de sa chemise et lui écrasa le visage sur le comptoir.

    Depuis combien de temps est-il revenu du labo, Barman ? » articula-t-il posément à l'oreille du type gémissant de douleur, tout en promenant sur l'assistance médusée un regard absent qui trahissait sa démence, maintenant fermement son emprise sur le gros dont il tordait le bras d'une main tremblante de rage. Son autre main avait posé un énorme fusil de chasse au milieu des verres et des bouteilles et l'y maintenait pointé sur les autres Stalkers. Le barman, avec un zézaiement facilement explicable par les deux ou trois dents qu'il venait à l'instant de laisser sur son zinc, entreprit de s'expliquer. Maladroitement.

    - Je ne sais pas exactement... ça fait assez longtemps, ensuite il est reparti, de nouveau revenu, blessé, et puis on ne l'a plus revu après son départ. Et il ne voulait pas qu'on le suive ou qu'on l'accompagne, il a juré de revenir me tuer si je disais où il allait. Le labo c'était moi. J'avais promis des documents à une agence de presse. Passer aux infos, je devais passer à la télé... j'adore la télé. C'était il y a assez longtemps maintenant, le labo !

    - Ça fait des putains de semaines, oui, connard ! Mon gros, les Bürers ça revient pas habiter un endroit où ça a chauffé juste avant !

    - Oui ! Mais... il y a eu cette blessure ! Il a été retardé ! Merde ! Si vous le trouvez, j'espère que vous le tuerez rapidement, sinon je suis mort !

    - T'inquiète pas pour ça, mon gros, s'il revient un jour ici, quelqu'un d'autre servira à boire. Ah, et ta sale gueule va probablement pas être présentable pour la télé."

    Le vieux souleva la tête du pauvre type - un filet de sang s'étirant entre la mâchoire et le comptoir - et l'abattit avec force sur un tesson de bouteille qui pointait ses dents acérées. L'obèse s'effondra au sol avec un bruit sinistre de gargouillis et se mit à convulser, faisant tinter les caisses de vodka dans lesquelles il donnait des coups de pieds désarticulés.

    Le vieux balaya ce qui restait encore sur le zinc avec le canon du fusil à pompe et quitta lentement la salle abasourdie, braquant son arme derrière lui, disparu dans l'escalier alors que la télé derrière le bar entonnait à grand fracas le générique d'une émission de variété Ukrainienne.
    Dernière modification par Pluton ; 30/10/2009 à 15h05.

  11. #341
    Encore
    "J'ai l'impression d'être un unijambiste dans un concours de coup de pied au cul."

  12. #342
    Merci Pluton, c'est agréable à lire

  13. #343
    J'ai acheté une SEVA d'occasion à un crâne d'œuf.
    Dans la poche intérieure de la combinaison j'ai trouvé un papier froissé, dessus un poème.



    "Il n'y a plus que les cendres continues
    La pluie qui tombe
    La tourbe qui se gonfle
    La Sibérie qui tourne
    Les lourdes nappes de neige qui remontent
    Et le grelot de la folie qui grelotte comme un dernier désir dans l'air bleui
    Le train palpite au coeur des horizons plombés
    Et ton chagrin ricane...





    Les inquiétudes
    Oublie les inquiétudes
    Toutes les gares lézardés obliques sur la route
    Les files télégraphiques auxquelles elles pendent
    Les poteaux grimaçant qui gesticulent et les étranglent
    Le monde s'étire s'allonge et se retire comme un accordéon qu'une main sadique tourmente
    Dans les déchirures du ciel les locomotives en folie s'enfuient
    et dans les trous
    les roues vertigineuses les bouches les voies
    Et les chiens du malheur qui aboient à nos trousses
    Les démons sont déchaînés
    Ferrailles
    Tout est un faux accord
    Le broun-roun-roun des roues
    Chocs
    Rebondissements
    Nous sommes un orage sous le crâne d'un sourd
    "


    Blaise Cendrars, extrait de la Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France




    Vers le nord. Là où ça envoie de l'onde qui gicle par les oreilles et qui rebondit sur les parois du crâne. Vers le nord est parti le gamin. Il a laissé un sillage de sang frais, il a creusé la route sans penser, il a taillé, il a tranché il a tapé l'asphalte, le crampon souple et le flingue à l'avenant.
    J'ai froissé le papier. L'orage n'est pas dans le crâne d'un sourd, aujourd'hui l'homme a créé l'orage. Il ne s'est pas pris pour dieu car il sait depuis qu'il taille des putains de silex que dieu n'existe pas. Les orages du bon dieu je les ai vu, c'est des pétards pour les merdeux et les bonnes femmes. Les orages de l'homme je les ai vu, c'est la colère de la Zone, c'est le ciel qui s'entrouvre et le monde qui s'y engouffre avant d'être dégueulé sec en retour, ça charcle, et pas que sur les hauteurs, ça racle le fond aussi, du noir, du rouge, du blanc, du chaud, du souffre chargé en neutron, haute teneur garantie. La Zone est à l'image de son créateur, c'est une belle salope, rouge, noire, blanche, chaude et sulfureuse. Comme l'homme, il n'est pas bon de la laisser proliférer.

    J'ai envie d'un verre, un grand un vrai, j'ai envie d'en finir. Mais je dois aller au nord, mettre ma main sur l'épaule du petit, il comprendra. Et les sourds vont m'entendre sur le chemin.
    Dernière modification par Pluton ; 05/11/2009 à 01h27.

  14. #344
    Merci pour ce texte sympathique

  15. #345
    ton texte mériterais une petit place dans le prochain CPC

  16. #346
    Sinon, tout le monde s'en fout de mon récit ?

    J'ai bien envie de réécrire plein de passages (surtout le début du premier récit et le milieu de celui du tonton) et de tout remettre en forme sur un beau pdf une fois le tout terminé, mais sans les screens, ça intéresse quelqu'un ? Peut-être plus court mais plus lisible.
    Et sinon, une fois récrit, clair que ça me brancherait à mort de le voir dans CPC, mais je les vois pas publier de fanfics, j'y crois pas un seul instant. Et leur propre prose est pas dégueue, ils me feraient la honte toute rouge. re-

  17. #347
    Avec les screens, ça m'intéresse méchamment.
    La Bibliothèque idéale de l'imaginaire, c'est bon pour les noeils et l'esprit.

  18. #348
    Citation Envoyé par Pluton Voir le message
    Et sinon, une fois récrit, clair que ça me brancherait à mort de le voir dans CPC, mais je les vois pas publier de fanfics, j'y crois pas un seul instant:
    T'inquiète, j'ai un katana et leur adresse. J'irai les convaincre.

  19. #349
    Les Screen c'est quand meme plutôt important , enfin moi j'aime mieux avoir 2-3 images avec. Au fait ton avatar tu l'a fait toi même pluton ?
    Sinon on fait une pétition de diffusion de tes histoires !
    Dernière modification par BaNaNa ; 05/11/2009 à 19h40.

  20. #350
    Citation Envoyé par BaNaNa Voir le message
    Au fait ton avatar tu l'a fait toi même pluton ?
    Ouaip

  21. #351
    Moi aussi ca m'interesse un pdf avec les photos. J'en avais envie mais j'étais trop timide pour le demander.
    "Lasciate ogne speranza, voi ch'intrate." Dante
    "Distinguer sans disjoindre pour relier sans confondre." Edgar Morin

  22. #352
    Alors t'a du faire plusieurs versions differentes de tes dessins, vu que ton avatar n'est pas le même que l'image que tu a mise en ligne
    Moi qui arrive a peine a dessiner un cube en 3D ...

  23. #353
    Ça m'intéresse bien aussi un vrai pdf. Je fais partie de la foule silencieuse des admirateurs/lecteurs qui ne parlent pas.


    On pourrait même faire un joli 'tit truc en latex.


  24. #354
    Même sans screens, c'est très bien.

  25. #355
    Citation Envoyé par ElGato Voir le message
    Ça m'intéresse bien aussi un vrai pdf. Je fais partie de la foule silencieuse des admirateurs/lecteurs qui ne parlent pas.
    Tu m'ôtes les mots de la bouche

    J'ai pas fini de lire ton récit jusqu'à cette page, mais punaise ca déchire !

    J'aime bien aussi ton avatar.

    edit : avec des fcreens, f'est mieux !
    Dernière modification par Ov3r$ouL ; 06/11/2009 à 21h59. Motif: gruik


  26. #356
    Personnellement, je trouverais dommage d'intégrer des screens dans ton récit, dans la mesure où l'imagination du lecteur serait "faussée" par ceux-ci (en partant du principe que tout les lecteurs n'ont pas joué à S.T.A.L.K.E.R).
    C'est comme ci, par exemple, un roman était illustré tous les 3-4 pages par une photo de son adaptation cinématographique. Cela m'enlèverais, à coup sûr, énormément de plaisir que j'ai lire ou à relire ce roman.

  27. #357
    J'arrive avec plein plein de retard !

    Mais bravo pour ton récit et ta performance sur le jeu !!!!! récit que je n'ai pas lu en entier car j'en suis à ma première incursion sur la zone

  28. #358
    Tiens, je vais peut-être me lancer dans un récit Stalker aussi. Pas une histoire qui raconte l'une de mes parties de jeu, plutôt un truc écrit comme une partie ; je plante le personnage et j'écris ce qui me passe par la tête sans savoir où ça va aller.
    Pluton, je squatte ce topic en concurrent ou j'en crée un nouveau ?
    Citation Envoyé par O.Boulon Voir le message
    Chouette topic.
    C'est le genre de truc qui couronne des années de modération impitoyable et d'insultes lancées au hasard.

  29. #359
    Citation Envoyé par Dark Fread Voir le message
    Tiens, je vais peut-être me lancer dans un récit Stalker aussi. Pas une histoire qui raconte l'une de mes parties de jeu, plutôt un truc écrit comme une partie ; je plante le personnage et j'écris ce qui me passe par la tête sans savoir où ça va aller.
    Pluton, je squatte ce topic en concurrent ou j'en crée un nouveau ?
    Je sais pas... fais comme tu veux. Mais un jour, je continuerai celui-ci, alors ça risque de se mélanger.

  30. #360
    Et sinon le pdf compilant l'ensemble de tes histoires, il avance ? Certainement le syndrome E.Y.E
    "Lasciate ogne speranza, voi ch'intrate." Dante
    "Distinguer sans disjoindre pour relier sans confondre." Edgar Morin

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