LE CENTRISME AMERICAIN :
Introduction
Il existe peu de littérature sur le Centre et le Centrisme en général, encore moins sur le Centre et le Centrisme aux Etats-Unis que ce soit en anglais ou en français. Cela est d’autant plus étonnant que les termes «centre», «centrisme» et «centriste» sont souvent mentionnés dans les médias écrits ou audiovisuels américains. Ils sont également souvent utilisés par les politistes et les politologues ainsi que par le personnel politique. Et ce n’est guère étonnant puisque, depuis toujours ou, tout au moins, depuis le milieu du XIX° siècle, il y existe un courant centriste reconnu, des centristes et des politiques centristes assumés dans le paysage politique étasunien. Sans même parler du modérantisme bipartisan qui est une caractéristique de la politique américaine depuis l’indépendance du pays.
Ce Centre américain s’incarne souvent dans les termes tels que «modération», «consensus», «compromis», «bipartisan», tout ce qui est présenté comme une politique au centre, mais pas seulement car également dans ceux d’«équilibre», de «juste équilibre humaniste» qui définissent plus précisément le Centrisme. De même, les termes «centrisme radical» (Radical centrism) ou «milieu radical» (Radical middle) définissent parfois un centrisme américain au positionnement plus «européen», même si la distinction entre centrisme américain et celui du vieux continent prête à discussion (certains politologues conservateurs, par exemple, qualifient Richard Nixon de «centrist» et Barack Obama de «radical centrist» alors que le premier est essentiellement un homme politique de droite et le deuxième un vrai centriste…). Mais la confusion existe toutefois partout avec cette manie de certains médias autour du monde à qualifier de centre-droit ce qui n’est que de la droite modérée (ou non-extrémiste…) et à faire de même à gauche pour la qualification de centre-gauche.
Avec un régime présidentiel comme celui qui a cours aux Etats-Unis (même si le but des Pères fondateurs n’était pas forcément de donner un pouvoir plus important au chef de l’Etat fédéral), l’incarnation d’une politique s’est faite essentiellement, et dès le premier président élu, par l’hôte de la Maison blanche. En ce qui concerne le Centre, elle se fait par des personnalités politiques aussi importantes que les présidents républicains Abraham Lincoln ou Théodore Roosevelt et démocrates Bill Clinton ou Barack Obama.
Le choix entre deux centristes pour occuper la Maison blanche s’est même déjà présenté plusieurs fois au cours de l’histoire américaine et notamment lors des deux présidentielles avec Barack Obama du côté du Parti démocrate et John McCain (2008) puis Mitt Romney (2012) du côté du Parti républicain même si leurs positionnements centristes avaient quelques différences avec, d’un côté, un progressiste démocrate et de l’autre deux conservateurs éclairés.
En outre, toute une frange de la société s’estime orpheline d’un système politique où le «compromis» entre les deux grands partis (démocrate et républicain) assurait, selon eux, une coopération pour prendre des mesures «centristes». Depuis des années, des tentatives ont lieu afin de faire revivre cette époque bénie selon ses initiateurs. On peut ainsi parler de «American project» et, plus récemment, du «Centrist project» mené par un jeune homme politique, Nick Troiano, qui se sont dédiés à cette tâche. Le but actuel de ce dernier n’est pas de former un troisième parti hégémonique mais de créer un groupe central d’élus au Congrès qui serait indispensable pour obtenir une majorité et donc gouverner, afin d’obliger les deux grands partis à travailler ensemble.
Pour certains ce passé est largement enjolivé et fantasmé. Car, même s’il y a eu des périodes de «compromis», la politique américaine se caractérise souvent par des oppositions partisanes franches et frontales particulièrement fortes, parfois très agressives, voire violentes. Reste qu’il est vrai qu’il a existé, pendant très longtemps, une aile centriste puissante à la fois au Parti républicain et au Parti démocrate et que, surtout chez les républicains, elle a quasiment disparue – le déclin a commencé lors de la présidence Nixon (1969-1974) et s’est accentuée jusqu’à aujourd’hui –, alors qu’elle s’est maintenue chez les démocrates mais se trouve très contestée depuis l’opposition entre la centriste Hillary Clinton et le socialiste Bernie Sanders lors de la dernière primaire présidentielle du parti en 2016 et qui a aboutit à la candidature de la première nommée mais à l’élection du démagogue populiste, Donald Trump.
Dès lors, cet ouvrage se justifie par cette absence d’étude sur le Centrisme américain mais aussi et surtout parce que ce Centrisme est une réalité politique importante aux Etats-Unis. On peut même dire que la création d’une démocratie par les Pères fondateurs de la nation américaine et les rédacteurs de la Constitution se basaient sur une vision centriste de la politique ainsi que sur la volonté – et l’espoir – que le fonctionnement de la république se ferait au centre, surtout dans le modérantisme.