Forte défiance envers les institutions politiques et médiatiques, rejet des contraintes et des élites, perméabilité aux thèses complotistes, le tout accéléré par une utilisation sans véritable recul des réseaux sociaux : la mobilisation en ligne contre le port du masque nous montre en creux la fragilité de nos démocraties.
En temps « normal », les institutions arrivent à fonctionner malgré des niveaux de défiance extrêmement importants et de participation politique extrêmement faible comme en témoigne encore le niveau d’abstention des précédentes élections municipales. Pourtant, la défiance institutionnelle ne fait que s’accélérer. En utilisant les données du Baromètre de la confiance politique, Luc Rouban montre ainsi que, lors de la précédente décennie, la confiance dans l’institution présidentielle, pourtant pilier de notre régime, avait chuté de neuf points, passant de 34 % à 25 %.
Du mouvement des « gilets jaunes » au refus du port du masque, en passant par un soutien sans faille à une personnalité aussi controversée que Didier Raoult, tous ces événements nous montrent que la défiance, d’ordinaire latente, peut s’activer dans des circonstances particulières et chez des individus parfois très bien intégrés socialement.
Il est ainsi largement nécessaire de sortir d’une vision assez naïve, consistant à penser que les périodes de crises créent ex nihilo des individus défiants : les crises ne les créent pas, elles les mobilisent. Mais les prédispositions existent bien en amont.
Sans traitement en profondeur de l’insuffisance de confiance institutionnelle que nous constatons aujourd’hui, il est fort à parier que de nombreux autres épisodes de cette nature se présenteront à nous. Et le prochain est peut-être plus proche qu’on ne le pense : 94 % des anti-masques disent qu’ils refuseront de se faire vacciner contre la Covid-19 le jour où un vaccin sera disponible.