Par principe tu ne régulera jamais ce que tu appelles "la finance".
Le problème n'est pas les gens qui respectent les règles, mais ceux qui les exploitent (dans le cas financier et business en général, des acteurs de marché à de plus en plus court terme).
Le décalage de temporalité entre finance et activité économique n'a fait que s'amplifier depuis les années 80. Notre adorable Niglo amateur de japoniaises déculassées vous expliquera certainement ça mieux que moi (voire dira le contraire, on verra ) mais l'idée c'est que la génération de plus-value s'est progressivement décalée de la nature de l'activité qui la sous-tend théoriquement jusqu'à en être totalement déconnectée aujourd'hui.
L'idée de base de la finance (je déteste ce terme dans son acception actuelle) c'était fondamentalement de faire se rencontrer des gens ayant de la thune et des gens ayant des projets.
Tu files de la thune sur un projet dans lequel tu crois et si ça marche tu vas encaisser de la thune. Si ça foire, t'auras perdu ton investissement normal. D'où ,histoire que tu ne balances pas ta thune à fonds perdus comme dans kickstarter, financer un projet te donne un droit de regard sur la manière dont il est mené, à hauteur de ta contribution à icelui.
Mais rien ne t'empêche de te dire que ce projet t'intéresse moins qu'un autre ou que tu as besoin de l'argent que tu as injecté. Sauf qu'il a été dépensé et n'a pas encore rapporté. Pour ça on a inventé la bourse. Tu propose tes parts à vendre et d'autres les achètent et lycée de Versailles. Tu réalises ton investissement (AKA tu prend ta thune) parce que quelqu'un d'autre prend ta place.
Tu as un système simple avec des gens qui apportent de l'argent, d'autres qui l'utilisent et qui rémunère l'apport de fond dans le cas où le projet est un succès.
L'échange des parts dans ces entreprises se fait selon l'offre et la demande, ce qui conduit à payer plus cher que la valeur réelle actuelle de l'investissement dans l'espoir que tu en tirera une valeur supérieure à terme parce que tu crois que le bouzin va rapporter du pognon par brouettes.
Sauf que l'être humain étant ce qu'il est (et vu les ruées sur les promos/bons plans/radin.com et autres arguties sur le taux du livret A c'est pas près de changer), tu as des petits malins qui se sont dit que c'était pas con de ne pas s'emmerder avec la gestion des entreprise dont tu détiens des titres mais simplement regarder ce jeu d'offre et de demande pour générer de la plus-value sur les transactions et non plus sur l'activité.
Et ça a super bien marché pour eux : Entre les gens qui veulent le contrôle de l'une ou l'autre entreprise et ceux qui cherchent à réaliser leur investissement, y'a plein de gus prêts à payer plus que ce que la valeur réelle et actuelle de l'activité qu'ils financent.
C'est le tournant de la dématérialisation des dirigeants : Tu ne finances plus un projet mais tu mises sur la progression de la valeur d'échange de ton bout de papier qui te donne droit à récupérer de la thune si l'entreprise en génère.
Contrairement à ce qu'on pourrait croire on n'est pas en 2008 là mais dans les années 90-95 je dirais.
Qu'est-ce qui fait la valeur d'échange de ton bout de papier qui dit que tu as investit tant et que tu as donc droit à proportion aux bénéfices ? Ben comme dans toute relation commerciale, le prix qu'est prêt à payer l'acheteur en fonction de sa propre perception de la valeur de ce qu'il achète.
Et comment est-ce que l'acheteur estime le prix de ce qu'il veux acheter ? En fonction de bilans comptables, de choix stratégiques, d'analyse de l'activité...
Mais quand l'acheteur est dans le même optique que le vendeur : C'est à dire générer de la plus-value non pas sur l'activité mais sur l'échange des titres de propriété de l'entreprise, cette dernière se doit de présenter les meilleures perspectives au terme envisagé par les acheteurs et ce jusqu'à ce qu'ils revendent.
Ça a commencé inévitablement à partir en quenouille à partir de là. On rentre dans un monde dans lequel foutre 100$ dans une fabrique de godemichets en bois de pin n'a aucun rapport avec une passion pour la sève collante mais simplement que tu pourras l'échanger (passage monétarisé obligatoire) contre 102$ dans une fabrique en perte de vitesse de trains miniatures que tu pourras revendre 103$ en échange de parts dans la compagnie qui fourgue des vis qui ferment les cercueils... rinse and repeat
Patience on n'en est qu'aux frémissements de 2008.
Le truc c'est que puisqu'au fond on ne s'intéresse qu'à la rentabilité de marché boursier et non à l'activité économique sous-jacente, y'a des génies qui se sont dit que plein de gens n'en avaient rien à foutre du contrôle mais voulaient du rendement. Donc pour mitiger les risques, on a fait des jolis bateaux avec plein de titres de propriété qui au final rapporteront un peu de sous (une horloge cassée donne l'heure exacte 2x par jour) dedans. Et on a commencé à vendre des places dans ces bateaux pour financer leur contenu.
Sauf que plus personne n'en a rien à carrer du contenu du bateau que de toute façon ils ne pourront pas vraiment identifier.
Toujours pas 2008 mais on y arrive.
Ton bateau, t'es pas à l'abri d'un coup de vent, d'une avarie etc. Donc tu prend une assurance.
Une assurance c'est promettre de compenser un risque en espérant qu'il ne se réalise pas.
Appliqué à notre bateau de titres de propriétés échangeables et monétisables, c'est rajouter à la mitigation des risques qui a été faite lors du choix des titres une assurance pour que si jamais on s'est plantés, ben tu récupères quand même ce que je t'avais promis à l'embarquement.
Or une assurance elle même est aussi un bateau qui contient plein de risques divers. Qui vont à leur tour être assurés contre les kraken (je vous passe les principes de réassurance mais c'est assez effrayant quand on y pense).
Mais ces assurances sont également des entreprises qui recourent au financement. Elles sont donc dans le jeu d'appréciation de leur valeur par les acheteurs. Valeur qui dépend de la non réalisation des risques qu'elles sont chargées de compenser. Donc elles sont également un bateau à côté des autres et prient pour que les barcasses qui lui sont amarrées ne sombrent pas, ce qui les entraînerait par le fond également. Tout en accumulant les canots dégonflés parce qu'il faut bien du volume.
Ben on fait la même chose que les coupaings de bâbord et on se vend par morceaux à d'autres qui dans la multitude des bateaux de leur flottille vont mitiger les risques et rester à flot.
On arrive à 2008. Y'a plein de petits bateaux qui sont tellement pourrave qu'il vaut mieux éviter de les approcher de l'eau mais sur la plage ils sont beaux. Alors puisqu'on ne peux pas vraiment les ripoliner plus qu'ils ne le sont déjà, on va les noyer dans la masse et perdre leur identification. Tu sais que tu as 2 places dans la barcasse CTV19.5OSEF. Mais tu n'as pas moyen de savoir ce qu'elle embarque.
Et là... 2008 le risque se réalise. Merde, t'as 60% de la flottille qui coule. Mais t'as parlé que de la Calypso et du France alors que t'avais aussi le Titanic dans ta flottille. Enfin un compartiment de ce dernier vu que tout le monde s'assure et se réassure.
Ben tu coules et tu emmène ta flottille avec toi, mais comme elle est commune tu entraînes d'autres navires avec toi. Effet domino de merde, tu finis en Pearl Harbor.
Et même si des tas de dispositifs (prudentiels et autres) visent à éviter que tu n'amarre des canoës que ta flottaison ne peux pas supporter, il y aura toujours quelqu'un pour prendre un boat people de plus parce que demain il doit justifier de son nombre de passagers.
Le justifier par rapport aux détenteurs de papiers dans le bateau mère pour que la valeur d'échange de leur place à bord ne fasse que croître et qui n'ont aucune idée de l'espèce de radeau de la méduse qui est en fait leur véhicule de placement.
C'est un système autoalimenté qui tient tant que les risques ne se réalisent pas mais le fait d'avoir des bateaux amarrés à d'autres eux-mêmes raccrochés à des remorqueurs d'autres navires fait que l'ensemble flotte mais le moindre bout de bois qui viendrait heurter l'étrave foutra l'ensemble au fond vu que personne ne sait ou sont les kayaks troués.
Le truc vraiment bordélique dans l'histoire c'est que plus personne ne s'occupe de l'activité qui devait utiliser ces barques et autres marie-salopes.
Au point que ce qui génère de la "valeur/rentabilité" ne joue même plus sur des variations notable (le temps de développement d'un business) mais sur les micro-ajustements à la milliseconde entre achat et vente. Sachant qu'on peut tout à fait gagner de la thune à la hausse comme à la baisse (achats à terme), ce qui se met à compter c'est simplement la rapidité avec laquelle tu compense ta propre influence sur un marché.
C'est un système qui marche sur la tête à la base et ce n'est pas prêt de changer.