Il y a plusieurs problèmes dans ta "boutade" : mépris manifeste des vocations artistiques, absence totale de perspective sur ce que représente un master de flûte traversière (ou de tout autre instrument visiblement), ignorance totale du milieu professionnel correspondant.
On peut se représenter, à juste titre, la difficulté d'une "voie étroite" comme la musique en termes de débouchés. Posons le problème dans l'autre sens : combien y a-t-il de conservatoires en France ? D'écoles de musique ? De structures associatives d'enseignement musical ? Combien y a-t-il d'orchestres, d'ensembles d'harmonie etc. avec une ou plusieurs places de flûtiste ? Combien de concerts rémunérés par an sur le territoire, des grandes villes jusqu'aux églises et salles des fêtes des patelins les plus improbables ?
En nombre absolu, pas beaucoup beaucoup. Mais suffisamment, en tout cas, pour qu'il y ait une filière. Et donc autant de gens dont c'est plus ou moins le métier.
RDJ (pour toi) : ces gens sont formés.
Alors à quoi ça ressemble, une formation de musicien classique ? Pour éviter d'étaler ma prétention comme toi ton inculture, je vais rester simple. Ça commence par une bonne dizaine d'années de pratique (souvent à partir d'un très jeune âge) en cours particulier, école de musique et/ou conservatoire départemental/régional. Un entonnoir dont la finalité première est de former des amateurs (pas de traumatiser les petiots à coup de solfège dans la gueule même si cela arrive en effet) : seulement 2% environ de nos élèves poursuivront un parcours professionnel.
Comment ça se passe ensuite ? Environ à l'âge du bac (parfois plus tôt pour les petits Mozart, souvent pas beaucoup plus tard), il va s'agir d'intégrer une formation supérieure de spécialisation (type conservatoire supérieur en France). Ces établissements proposent désormais tous des parcours LMD ; ils recrutent tous,
très sélectivement, sur concours d'entrée.
Ça veut dire qu'après 10 ans de flûte, des examens dans tous les sens, un ou plusieurs jolis diplômes sur ton mur, t'es la star de ton école/de ta ville... et tu te retapes un battle royale contre des dizaines de cadors venus des quatre coins du monde (et notamment des armées de Chinois, Coréens, Russes etc. élevés depuis tout petit comme des bêtes de concours... non, ce n'est pas un mythe). Vous pouvez être une centaine à vous battre pour trois pauvres places par an sur un établissement (il n'y a longtemps eu que deux établissements de ce type en France, un à Paris et u à Lyon). Tout ça pour avoir le privilège de COMMENCER un parcours d'études supérieures.
En général t'y arrives pas du premier coup. T'en chies pendant quelques semestres en attendant de trouver un établissement, en France ou à l'étranger, qui veuille bien de toi. Ensuite, bonheur à toi, tu vas galérer pendant 5 ans à base de 6h/jour (7j/7 et 365j par an) avec ton biniou, en dehors du temps de cours bien sûr, juste histoire de rester assez bon pour ne pas prendre la porte d'ici les examens de sortie.
Une fois diplômé, tu es bien content, tu as ton master de flûte. Il ne te sert à rien ou presque.
Tu veux enseigner dans le public ? Retape-toi deux ou trois ans de formation pédagogique (avec recrutement sur concours sinon c'est pas drôle), refais un mémoire, et puis passe les concours de la fonction publique. Ou alors va faire une carrière dans l'associatif avec un statut indigne de ton parcours d'études. Tu veux faire carrière dans un orchestre ? Pas de problème, donne-toi encore quelques années pour repasser des concours de recrutement encore plus sélectifs et décourageants que ceux que tu as vécus pour arriver jusque là.
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Une reconversion après un master de flûte traversière, dis-toi qu'il y a au minimum tout ça derrière (au passage, c'est l'un des instruments les plus demandés dans les écoles... et donc l'un des plus sélectifs. Eh oui, c'est plus facile de réussir en tuba ou en basson qu'en piano et en violon, c'est con hein ?). Le gars est probablement passé par l'équivalent de Polytechnique dans son domaine avant d'arrêter les frais et de se "ranger". Pas parce que musicien n'est pas un vrai métier, juste parce qu'on n'a pas tous l'énergie d'en chier avec un vent de face pendant des années jusqu'à trouver une place à la hauteur de notre formation.
À vrai dire, perso j'ai suivi la voie inverse : d'abord des études "normales", puis volte-face vers le conservatoire autour de l'âge de 20 ans, en partant de très (très) loin. Rentré en licence à 25 ans, masterisé à 30. Je vais en avoir 35 et je suis enfin sur le point d'être titularisé sur mon premier poste d'enseignant. Lucide sur mon "talent" je n'ai pas choisi la flûte traversière (ni aucun instrument à vrai dire, j'ai un master de culture musicale), j'ai donc été plutôt le témoin que la victime de ce que j'ai décrit.
Je suis le premier à reconnaître qu'il faut être une sacrée tête brûlée pour se lancer là-dedans. Mais se foutre de la gueule d'un mec qui jette l'éponge après avoir dédié sa vie à ça, sur la base de "mdr la flûte de travers c'est même pas un métié
", ça ne passe pas. Viens faire un sondage d'épanouissement professionnel là où j'enseigne, on comparera ça aux métiers de l'informatique (par exemple) et on rigolera dans l'autre sens.