On s’imagine souvent les rédactions de journaux et de magazines comme des entités monolithiques, des ensembles homogènes de gens qui tapent à l’unisson sur leur clavier, propageant une vision du monde lisse et uniforme, à laquelle chacun adhère sans faille. C’est ainsi que dans ma tête, tous les journalistes du Figaro continuent de porter des chemises bleu pâle qu’ils repassent chaque soir dans leur appartement du 8e arrondissement de Paris, jetant parfois, entre deux coups de fer, un coup d’œil ému à leur poster de Jacques Chirac, celui qui leur a donné envie de s’intéresser à la politique, en 1988. C’est ainsi que, dans ma tête toujours, trois arrondissements plus loin, ceux de Libé rangent soigneusement en boule leurs t-shirts dans les tiroirs où ils stockent leurs cendriers. Pourtant, au risque de vous décevoir autant que j’ai été déçue lorsque j’en ai pris conscience, cette vision très ordonnée de la réalité ne résiste pas à l’épreuve des faits.
Prenez Canard PC par exemple. En un instant, l’observateur le plus inattentif remarquera que les lacets dépareillés de Pipomantis jurent avec les bottes de moto de Kahn Lusth, que les pulls en laine de Sébum n’ont que du mépris pour ceux d’Izual, que mes dhals de lentilles corail ne partagent avec le plat préféré d’ackboo (les chouquettes à la nogentaise, recette page 5) qu’une étagère du frigo commun des nos locaux. Et les pages du magazine reflètent – partiellement seulement – le profond éclectisme, qui seul rassemble cette troupe hétéroclite. Kahn Lusth, fidèle à sa réputation de noirceur et de violence sèche, vous y narre ses premiers pas dans Dishonored 2 (page 46), tandis que Netsabes, à mille lieues de sa zone de confort constituée de mignoncité et de choupichouteries, s’intéresse à l’industrie chinoise du jeu vidéo (page 36). Louis-Ferdinand Sébum, fervent chantre des cultures populaires, consacre trois pages à Pokémon Go (page 74), et autant à ses premières impressions sur l’accès anticipé de Divinity Original Sin 2 (page 58). Moquette, lui, préfère des plaisirs simples, moins intellectualisés. Les cheveux aux vent, la puissance du moteur fait vrombir son petit cœur de Breton, et il nous relate son expérience du bonheur sur Forza Horizon 3, page 12. Izual, qui n’y connaît rien en arts martiaux ou en sport de combat, se découvre une passion pour l’escrime avec Of Kings and Men (page 64), tandis que je me consacrais aux IA dans l’espace, les chouettes (Event 0, page 22), et les autres (The Turing Test, page 16). Pipo, toujours plus punk que ses lacets, s’excite dans les « à venir » sur des jeux indé qui vont dépoter, Glitched et Children of Morta.
Enfin voilà. Ça, c’est un petit aperçu du magazine que tous ensemble, malgré nos haines mutuelles, malgré la présence dans l’équipe d’individus qui laissent toujours traîner leurs emballages vides dans la salle de pause, malgré les goûts musicaux douteux des uns et les habitudes déplorables des autres, avons écrit, pour vous. Vous qui, nous en sommes certains, êtes bien différents de ce que nous imaginons.
Canard PC 346 sera disponible en kiosque pour 4,90 euros à partir du 1er octobre.
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