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Entre deux classiques (j'ai terminé
Le Comte de Monte-Cristo il y a quelques semaines et j'envisage d'attaquer
L'Odyssée prochainement... si je le retrouve), je me repose avec un bouquin contemporain,
Jours barbares, de William Finnegan, un obsédé du surf qui a pourtant 'sagement' fait carrière dans le journalisme politique et géopolitique. Il m'a fallu un peu plus d'une centaine de pages pour adhérer vraiment au récit et commencer à sentir cette envie de reprendre la lecture quand on repense à ce qu'on a lu la veille, mais ça y est, je suis embarqué. Finnegan raconte sa vie, apparemment reconstituée d'après des lettres qu'on lui a renvoyées, des notes dans divers journaux personnels, des essais plus ou moins avortés d'écriture. Le début 'plonge' immédiatement le lecteur dans le 'bain' puisqu'il est question de surf dès les premières pages, alors que Finnegan a treize ou quatorze ans et vient d'arriver à Hawaï avec ses parents. Le texte est dense mais l'écriture est claire et fluide, et les termes techniques du surf sont expliqués en fin de volume.
J'ai trouvé le début (disons le premier quart) un peu mou, même si Finnegan, dans la lignée d'un Mark Twain, qu'il admire, réussit plutôt bien à camper le portrait d'un gamin américain, hanté par ses préoccupations les plus intimes (en l'occurrence, le surf, la compétition avec les autres gamins de son âge, la violence et le sexe - assez peu, étrangement). On comprend assez vite que la glisse, chez Finnegan et, par extension, chez tous les surfeurs un peu 'sérieux', est une affaire qui n'est pas à prendre à la légère. C'est le surf qui va dessiner les contours de la jeunesse, puis de la vie de l'auteur, jusqu'à lui faire explorer, avec un de ses amis, les plages ignorées du Pacifique, à la recherche du spot idéal (une sorte de quête du Graal, mystique dans son inaccomplissement évident - la vague ultime ne vit que quelques secondes - et extrêmement rationnelle dans son exécution - Finnegan détaille à deux reprises, sur deux pages au total, ce que doit être ce spot rêvé, les vents, la houle, les récifs, la hauteur des vagues, leur vitesse, la profondeur de l'eau, la configuration des chenaux, etc). C'est à mon avis là que le bouquin décolle véritablement.
Finnegan se décrit tel qu'il croit avoir été, peu sympathique, naïf, égocentrique, égoïste, mais aussi diablement talentueux et passionné. Son amitié avec son compagnon de voyage se délite, sa découverte des îles du Pacifique façonne peu à peu sa vision du monde, et le récit parvient à délivrer de beaux moments de littérature, entre récit de voyage, chronique sportive et réflexion intime.
La quatrième de couverture (aux Éditions du Sous-sol) évoque Hunter S. Thompson (et Mark Twain donc). J'aurais tendance à trouver la comparaison un poil mensongère. Il est vrai que j'ai plusieurs fois pensé au
Marathon d'Honolulu, incroyable récit déjanté d'une chronique journalistique ratée qui vire à l'errance mystique et fortement alcoolisée, qui m'avait passionné lorsque je l'avais lue. Mais Thompson est un dingue, un type dont on voudrait être à la fois le meilleur pote et celui qui lui cassera la gueule pour le calmer, une fois pour toutes, alors que Finnegan, qui ne répugne pas à se dépeindre sous ses coutures les moins avantageuses, est finalement un être de raison, un obsédé qui réfléchit, qui calcule, qui s'organise et sait mettre tout en œuvre pour servir ses projets (assez peu nombreux en vérité, puisqu'ils se rassemblent tous sous un verbe : surfer). Dès son adolescence, il est un grand lecteur et un intellectuel (ce qui ne semble pas être forcément le cas de la plupart des surfeurs). Et, contrairement à Thompson, Finnegan ne prétend pas écrire un article sur sa vie, il écrit sa vie. Il n'intègre pas la communauté des surfeurs pour essayer de la comprendre et de délivrer au monde non informé de quoi il retourne, il est un surfeur qui se souvient et écrit ses souvenirs.
Le tirage français est une première édition, elle souffre de pas mal de coquilles, d'erreurs dans les noms, dans les accords. Mais le bouquin est beau. J'ai pour habitude de n'acheter que des formats Poche, bien plus pratiques à lire au lit (je ne lis qu'au lit) mais je voulais le soleil, la mer, les vagues, je voulais lire ce livre tout de suite et, pour l'instant, je suis bien content d'avoir dérogé à ma règle de confort.