Ici, on cause game design. On peut aussi bien parler d'un jeu en particulier que de concepts plus généraux, partager un article, le commenter, le critiquer, etc. Un peu tout, en fait, du moment que ça se rattache au game design. On privéligie l'objectivité froide, l'analyse et l'argumentation. Le point crucial est que votre opinion du jeu ou genre en question, on s'en fout. Mais quelque chose de concret, hein, on n'est pas sur le topic de la hype. Ça veut dire que les gros lourds, vous décarrez, même quand ça parle RPG - et ça parlera tôt ou tard de RPG. Les débats à couteaux tirés, les trolls et les gifs sont vivement recommandés mais il faut le faire bien.
Puisque c'est de saison, on attaque avec cette conférence de Jonathan Blow :
Oui c'est encore lui, oui j'en ai marre de le voir partout, oui le titre est pompeux, oui il fait quelques raccourcis, oui il part d'hypothèses qui ne tombent pas sous le sens, oui il donne parfois l'impression d'être un croisement entre un hippie new age et Jean-Claude Van Damme mais il lui arrive aussi de raconter des choses très intéressantes.
Il fait le postulat suivant : les jeux « anciens » - avant 1990, en gros - étaient austères et, il faut bien le dire, souvent très chiants. Pour leur donner de l'épaisseur et les rendre plus accrocheurs, les game designers ont développé quatre outils principaux, en adoptant une approche scientifique* : l'intrigue, l'esbrouffe (graphismes, notamment), la proximité immédiate du prochain objectif et le sentiment de récompense/progression (qui se résume souvent à des stats plus élevées ou un plus gros canon). L'ennui est que ce sucre, censé ajouter de la saveur, a fini par devenir le seul ingrédient de beaucoup de jeux actuels. On peut s'amuser comme ça à effeuiller plein de jeux et voir ce qu'il en reste.
Lui, il prend l'exemple de Diablo, non sans une certaine mauvaise foi. Donc on prend Diablo, on vire l'histoire, on gicle les effets pyrotechniques, on jette le loot et tout l'aspect boîte de Skinner, et ça donnerait basiquement les échecs. Premier point de désaccord : ce n'est vraiment pas sympa pour les échecs. Deuxième point de désaccord : l'intérêt principal d'un hack'n slash réside dansle cœur de lasa meule. Eh oui coco, il y a un core gameplay. Je rappelle que la conférence date de 2010, que Torchlight est sorti en 2009 et qu'avant lui, c'était la norme de s'ennuyer sur les combats d'un hack'n slash, mais quand même, cette dimension existait et elle pouvait justifier l'intérêt du genre. Pas sa pertinence, hein (autant jouer à un jeu de baston), mais son intérêt. Troisième point de désaccord : il est où le rapport entre l'intelligence et la finesse des échecs, toute la dimension stratégique, et la bêtise d'un hack'n slash ? Je cherche encore.
L'autre exemple est celui de Farmville dont une version honnête parle d'elle-même. Il explique au passage en quoi ceux qui conçoivent ces horreurs et les vendent sont de gros fils de putes.**
Ce faisant, on peut placer tous les jeux sur une frise. À un bout du spectre, on aurait les jeux « purs » (voire bénéfiques pour le joueur) mais sans signification, comme les échecs, et à l'autre bout, les jeux « creux » comme Farmville, nuisibles. Entre les deux, on peut imaginer toutes les variations possibles. En particulier, j'imagine bien une large plage réservée aux jeux « sympas sans plus ». Vous savez, tous ces jeux auxquels on joue (enfin, pas moi) sans vraiment de déplaisir mais sans vraiment non plus prendre son pied, comme engourdis, au point d'oublier même y avoir joué. Ils emploient exactement ce genre d'artifices. À noter que cette frise ne présume pas de la « qualité » (terme à définir) du jeu bien qu'il puisse y avoir une corrélation.
Là, j'ai plus ou moins paraphrasé la première partie de la conférence mais il y aurait beaucoup à dire sur le reste (je garde ses arguments sur le consentement pour le jour où un veau me parlera de « voter avec le porte-monnaie »). Je vous invite à la regarder intégralement, l'accent est compréhensible.
* Les méthodes de rationalisation du développement et l'application des sciences cognitives sont traitées en fil rouge tout le long de la conférence, c'est hyper intéressant mais là, je ne vais pas trop en parler. Mais si vous arrivez à rebondir dessus, vous êtes des chefs.
** Il aborde également le sujet de l'éthique et de la responsabilité d'un game designer à plusieurs reprises, notamment l'utilisation des outils cités qui conduisent à ne pas respecter le joueur voire le manipuler. C'est très intéressant là aussi, on aura l'occasion d'y revenir.