En mars dernier, le studio écossais T-Entreprise avait annoncé son intention de développer un jeu sur le tristement célèbre camp de détention américain de Guantanamo. Prévu pour PC et Xbox 360, Rendition : Guantanamo prenait place en 2020, dans un "Gitmo" aux mains de mercenaires et servant de laboratoire pour des expériences de toutes sortes sur des cobayes humains (une histoire qui rappelle les "expériences" réelles de Josef Mengele et de l'Unité 731). Le but du jeu était bien évidemment de sortir de cet enfer.
Le jeu était censé bénéficier de la collaboration d'un authentique détenu de Guantanamo, le britannique Moazzam Begg, qui a écrit un livre où il raconte les sévices et mauvais traitements qu'il a endurés lors de son séjour dans le camp américain. Le but de sa collaboration était de s'assurer que les prisonniers de Guantanamo étaient correctement dépeints dans le jeu.
Étant donné le caractère pour le moins controversé du camp de Guantanamo, les développeurs pensaient avoir pris toutes leurs précautions en plaçant le jeu dans un futur proche, où les soldats américains et britanniques seraient remplacés par d'hypothétiques mercenaires. Peine perdue : qu'un jeu vidéo permette d'incarner des prisonniers de Guantanamo, et qu'il soit en plus développé avec l'aide d'un véritable ancien détenu, c'était plus que ce que pouvaient supporter certains néo-conservateurs américains. En particulier le quotidien en ligne Weekly Standard (propriété de Rupert Murdoch) a orchestré une campagne contre le jeu, dépeint comme un "Al Qaeda's Xbox Fantasy Game" au motif que Moazzam Begg serait un djihadiste patenté. Il faut croire que la campagne, soutenue par l'animateur de radio Rush Limbaugh, a porté ses fruits puisque peu de temps après, T-Entreprise annonçait son intention d'arrêter le développement de Rendition : Guantanamo, en regrettant la désinformation née autour du jeu.
Aucun détail supplémentaire n'a été donné sur l'ampleur de la campagne menée contre ce jeu. On sait tout au plus que T-Entreprise recevait des emails haineux depuis plusieurs mois, surtout en provenance des États-Unis. Mais il y a quand même de quoi flipper à l'idée qu'une poignée d'excités peut réussir à stopper du jour au lendemain le développement d'un jeu sous prétexte qu'il ne correspond pas à leur idéologie. Et après Six Days in Fallujah (dans un registre certes très différent), c'est une nouvelle tentative avortée pour le jeu vidéo de porter un regard original sur l'actualité.
Edit : Il semblerait que l'annulation du jeu n'ait pas refroidi les ardeurs des néo-conservateurs, puisque Fox News et le Washington Times se sont emparés de l'affaire. Ils donnent notamment la parole à Pete Hegseth, de Vets for Freedom (une association qui a elle aussi mené campagne contre Rendition : Guantanamo). Celui-ci annonce clairement la couleur : il s'agit de contrôler l'image qui est donnée du camp de Guantanamo. Reste à savoir si un film ayant le même scénario aurait rencontré les mêmes difficultés que ce jeu.
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